Fablab Héphaïstos : le “design thinking” au service des hospitaliers
Le Fablab Héphaïstos – du nom du dieu forgeron de l’Olympe – a été créé par le Groupe Hôpitaux universitaires Paris-Saclay, l’un des groupes hospitaliers de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce “fabrication laboratory” associe atelier de prototypage et méthodes d’innovation participative pour faciliter le quotidien des équipes hospitalières.
Dans un hôpital, quel que soit le service, quel que soit le métier que l’on exerce, le matériel est omniprésent. Du plus petit objet à l’équipement le plus lourd, les hospitaliers doivent pouvoir compter sur ce matériel dans un grand nombre de gestes du quotidien, in fine au service des patients. Un matériel défectueux, des lignes de production disparues empêchant l’achat de pièces de rechange pour réparer, un équipement mal pensé, des outils trop peu utilisés pour intéresser les industriels, des objets incompatibles entre eux… sont autant de grains de sable dans les rouages du travail de chacun.
Pour répondre à cet enjeu, le Fablab Héphaïstos, installé dans un bâtiment de l’hôpital Bicêtre, permet de prototyper et de produire des objets et pièces sur mesure qui ne pourraient être trouvés sur le marché.
À disposition : un atelier avec des machines-outils pilotées par ordinateur (imprimante 3D, découpe laser, presse à injection plastique, brodeuse numérique…) mais aussi des solutions “low-tech” de prototypage (pâte à modeler, carton, scotch…). Tout est bon pour imaginer de façon agile des solutions aux problèmes du quotidien.
Crochet pour tige à perfusion, étiquette d’identification de lits, signalétique, pied de perfusion, antivol pour les distributeurs de savon, “accrocheur” pour brancard, modèle de rein anatomique en trois dimensions, porte-tube pour les prélèvements sanguins… Toutes sortes d’objets sont déjà sortis de l’atelier – qui compte 170 projets depuis sa création – et ont été validés conformément aux protocoles d’hygiène et de qualité de l’hôpital.
“Héphaïstos, c’est avant tout une démarche, une méthodologie, plus que des machines”
Mais le Fablab n’est pas qu’une affaire d’outils, bien au contraire, comme tient à le souligner Guillaume Eckerlein, directeur des Achats, de la Logistique et de la Qualité hôtelière, et initiateur du projet : “Héphaïstos, c’est avant tout une démarche, plus que des machines. 80 % de ce dispositif repose sur la méthodologie, la compréhension de la culture de l’hôpital, de son fonctionnement, de ses métiers.”
C’est la raison pour laquelle il a choisi, dès le démarrage du projet, d’y associer Humaniteam, agence de design en santé et d’innovation sociale, pour animer le processus d’intelligence collective. Claire Fauchille, designer et cofondatrice de Humaniteam, rejoint Guillaume Eckerlein sur ce qui donne vie au projet : “Il ne suffit pas de poser une imprimante 3D au milieu de l’hôpital, il faut bâtir la démarche et co-construire avec les professionnels de l’établissement. Pour cela, nous avons un lieu physique qui permet d’accueillir les équipes. Nous y organisons par exemple des “ateliers minute”, le temps d’une pause café, pour montrer le potentiel du Fablab et faire émerger les besoins auxquels il pourrait répondre. Nous menons aussi des “ateliers pop-up”, hors du Fablab, directement dans les services de soin, pour faire éclore les idées.”
Héphaïstos, c’est avant tout une démarche, plus que des machines. 80 % de ce dispositif repose sur la méthodologie, la compréhension de la culture de l’hôpital, de son fonctionnement, de ses métiers.
“Un projet est toujours accompagné d’une formation”
Concrètement, l’équipe d’Humaniteam accompagne les porteurs de projet de la définition du besoin à la conception et fabrication de la solution, avec pour objectif ultime qu’ils deviennent autonomes et s’approprient totalement le Fablab. “Pour un premier projet, on va d’abord faire les choses pour l’équipe hospitalière qui le porte, puis on fera ensemble, puis au troisième prototypage le but est qu’ils sachent faire tout seuls”, explique Claire Fauchille. “Un projet est toujours accompagné d’une formation.”
Souvent d’ailleurs, un premier objet prototypé puis produit fait des émules au sein d’un même service. Là encore, l’exemple de la Bactériologie est éloquent : “Après le portoir, on a créé des boîtes pour ranger les réactifs dans les frigos qu’on appelle les Magic box. Et maintenant on est en train de faire un autre portoir pour ranger les réactifs de salmonelle…”
L’équipe du Fablab elle-même ne manque pas de nouveaux projets. Elle travaille par exemple avec les Arts et Métiers sur une solution de revalorisation, en local, des déchets plastiques de l’hôpital (couvercles de boîtes de médicaments par exemple) afin d’en faire des plaques réutilisables par l’atelier. Par ailleurs, elle a pour objectif de repenser le format du dispositif pour le rendre plus mobile afin de mener des actions dans d’autres hôpitaux de l’AP-HP. Elle réfléchit également à la diffusion à plus grande échelle des objets conçus, pour en faire profiter le plus grand nombre et faciliter le travail de toujours plus de soignants.
Pourquoi nous soutenons ce projet ?
Le projet Héphaïstos nous semble exemplaire parce qu’il place l’utilisateur – soignant ou non et quel que soit son domaine, y compris les services supports de l’hôpital – au cœur du processus du Fablab. La démarche mise en œuvre permet de se mettre à la portée de chaque corps de métier et de répondre à des besoins concrets, avec un impact sur le quotidien. Surtout, le projet vise l’autonomie des équipes dans l’utilisation de ce formidable outil. Parce qu’il a pour but de faire émerger des solutions par et pour les hospitaliers, le Fablab joue ainsi un rôle de facilitateur, participant à la modernisation de l’hôpital.
Quelques créations réalisées par le Fablab Héphaïstos : étiquettes pour brancard, modélisation d’un rein et accrocheur à perfusion. © Fablab Héphaïstos / Humaniteam Design
* Une boîte de Petri est une boîte cylindrique transparente munie d’un couvercle utilisée en microbiologie pour la mise en culture de micro-organismes, de bactéries ou de cellules d’organismes supérieurs.
* Témoignage recueilli par l’Agence Phare à l’occasion de l’évaluation d’impact social menée en 2021