Des binômes pair/professionnel de santé pour améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap moteur
APF France Handicap expérimente et développe un programme d'Éducation Thérapeutique du Patient dédié aux enfants, adolescents et adultes en situation de handicap moteur. Ce projet s’appuie conjointement sur les compétences de professionnels et l’expérience de personnes en situation de handicap, spécialement formées et appelées “pairs-émulateurs”.
APF France Handicap expérimente, en Nouvelle-Aquitaine, un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) baptisé “Confiance”. Son ambition : accompagner la montée en compétences des personnes bénéficiaires, afin qu’elles disposent des ressources nécessaires pour mieux gérer leur handicap et les troubles associés, au quotidien. Il vise l’autodétermination des personnes pour les rendre actrices de leur santé et améliorer leur qualité de vie.
“À la différence d’autres programmes d’ETP du secteur sanitaire (construits autour d’une maladie telle que le diabète, la sclérose en plaques…), il s’adresse aux personnes en situation de handicap moteur, quelle que soit l’origine du handicap et les troubles associés, explique Mélanie Bertier, coordinatrice régionale du programme ETP Confiance chez APF France Handicap. Nous avons d’ailleurs fait le choix d’adopter une approche globale en réponse aux conséquences du handicap moteur et aux troubles associés, qui n’est pas uniquement « médicale » mais plus large – sociale, éducative… – grâce aux diverses compétences des professionnels impliqués dans le programme et à l’expérience des pairs émulateurs.”
En fonction de la structure qui met en place le dispositif, différents profils de professionnels peuvent être amenés à y participer : orthophoniste, kinésithérapeute, psychologue, psychomotricien, aide-médico-psychologique, éducateur spécialisé, infirmier, moniteur, enseignants APA (activité physique adaptée), diététicien, assistant social, aide-soignant, chargé de projets santé… Par ailleurs, le programme Confiance est conçu pour pouvoir s’adresser à la fois aux adultes, aux enfants et adolescents, mais aussi, dans certains cas, aux aidants.
Surtout, ces professionnels travaillent en binôme avec des pairs-émulateurs, ou “patients-experts”, eux-mêmes en situation de handicap. Formés à l’ETP avec les professionnels – ils suivent ensemble une formation d’une quarantaine d’heures – ils collaborent à chaque étape du programme.
Concrètement, un diagnostic éducatif partagé est réalisé avec les bénéficiaires individuellement. Un contrat éducatif est ensuite établi avec chacun et le programme personnalisé d’ETP est défini. Cinq thématiques sont proposées : comprendre son handicap ; estime de soi et confiance ; vie intime, affective et sexuelle ; cognition et mémoire ; nutrition et déglutition. Chaque bénéficiaire participe ensuite idéalement à 4 séances collectives par thématique retenue, en groupe de 4 à 6 personnes, animées par les binômes professionnel/pair-émulateur. Des séances individuelles peuvent également être proposées. À la fin du programme, un bilan final est réalisé et certains points peuvent être approfondis si besoin.
La collaboration entre professionnels et pairs-émulateurs commence dès le bilan éducatif. Le binôme prépare ensuite les séances, les anime et mène les bilans finaux. La contribution des pairs-émulateurs à chaque étape est primordiale, comme l’explique Danielle Dussopt, pair-émulatrice : “les professionnels ont de très grandes compétences mais n’ont pas vécu le handicap. Dès le travail préparatoire, nous apportons un savoir complémentaire car nous avons l’expérience et le ressenti nécessaires pour bien comprendre ce que les participants attendent précisément des séances.” Un point de vue partagé par Tiffany Julliard, ergothérapeute : “ils sont formés et leur éclairage s’appuie sur leur expérience personnelle, ce qui est très intéressant pour nous. Nos expertises se complètent”.
C’est cette complémentarité qui leur permet de préparer les interventions de façon à favoriser les interactions pendant les séances. Ce que souligne Mélanie Bertier : “il ne s’agit pas de délivrer uniquement des informations descendantes. Les binômes s’appuient sur des outils de pédagogie active, pensés pour que les participants soient partis-prenantes de chaque séance. Ils utilisent par exemple le jeu de rôle, le photolangage, des supports concrets et visuels, les plans d’une maison, un playmobil géant ouvert pour montrer le mécanisme de déglutition, un jeu de plateau… Chaque équipe d’ETP construit ses séances et se dote d’outils adaptés en fonction des participants qui forment le groupe.”
“Le but est de créer de l’émulation au sein du groupe pour faire émerger des solutions. Avec le pair-émulateur, on part d’idées et de messages-clés pour définir ensemble le cadre, les méthodes et outils qui seront les plus efficaces afin que les solutions viennent des participants et qu’ils se les approprient”, précise Tiffany Julliard.
Notre présence apporte aussi de la crédibilité à la parole des professionnels vis-à-vis des participants.
La confiance s’installe plus facilement et les échanges sont facilités, même si nous n’avons pas forcément le même handicap et bien-entendu pas le même vécu.
Christine Grenen, pair-émulatrice, explique cette nécessité d’adaptation aux profils des participants : “on se rend compte que certains manquent de connaissances sur leur propre handicap ou ne savent pas l’expliquer en raison de troubles cognitifs. On doit donc veiller à toujours être abordables et compréhensibles”.
“Dans le binôme, notre présence apporte aussi de la crédibilité à la parole des professionnels vis-à-vis des participants. La confiance s’installe plus facilement et les échanges sont facilités, même si nous n’avons pas forcément le même handicap et bien-entendu pas le même vécu.”, explique Christine Grenen. Pour Danielle Dussopt, “l’échange avec les pairs-émulateurs et entre participants peut aussi leur permettre d’entrevoir d’autres possibilités et la perspective d’une qualité de vie plus confortable et satisfaisante”.
Cette crédibilité et cette confiance instaurées permettent aussi d’aborder en groupe des sujets parfois tabous compliqués à évoquer seul face à un professionnel, ou que le professionnel lui-même aurait du mal à soulever.
Le rôle du pair-émulateur ne se résume donc pas à venir livrer un témoignage, comme tient à le préciser Danielle Dussopt : “il est primordial de participer à toutes les étapes d’un bout à l’autre : évaluation individuelle, construction et préparation des séances, co-animation et bilan final. Nous serions beaucoup moins utiles autrement. Il ne s’agit pas de venir parler de soi mais de mettre son expérience au profit des participants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.”
Aujourd’hui, l’expérimentation – lancée par l’IEM de Couzeix (Haute-Vienne) et le SAVS-SAMSAH de Marsac-sur-l’Isle (Dordogne) – a démontré l’impact positif du programme Confiance, à la fois pour les bénéficiaires et pour les professionnels de santé qui déclarent faire évoluer leurs pratiques grâce à leur collaboration avec les pairs-émulateurs. De nouvelles équipes se forment et certaines structures sont en réflexion pour mettre en œuvre le dispositif. Pour Mélanie Bertier, le projet est à un moment charnière : “nous devons adapter le programme aux spécificités des structures d’APF France Handicap qui ont des organisations et des compétences différentes. Notre objectif est de structurer, continuer à partager et déployer en veillant à ce que cela fasse sens pour tout le monde.”
Pourquoi nous soutenons ce projet ?
Le projet Confiance, expérimenté en Nouvelle-Aquitaine par APF France Handicap, constitue une démarche de médiation en santé innovante. En effet, il favorise le lien et la transmission en mobilisant les personnes en situation de handicap aux côtés de professionnels médico-sociaux grâce à l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Surtout, il s’appuie pour cela sur l’expérience et l’expertise de pairs-émulateurs formés à l’ETP pour enrichir et renforcer ce lien. La reconnaissance et la valorisation de cette compétence des pairs, mais aussi la prise en compte de l’impact du handicap et des troubles associés dans leur globalité sur la qualité de vie des personnes concernées en font un projet exemplaire.