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La Maison Source : la médiation en santé au service des personnes migrantes vivant avec le VIH

L’association La Plage pilote, à proximité de l'hôpital Avicenne à Bobigny (93), un espace d’accueil et d’accompagnement des personnes migrantes vivant avec le VIH. Baptisé “La Maison Source”, ce lieu de médiation en santé permet de les accompagner dans leur parcours de soin et de favoriser leur acceptation de la maladie ainsi que leur adhésion aux traitements.

Aujourd’hui, si l’on peut vivre avec le VIH, le caractère chronique de la maladie nécessite un traitement quotidien, un suivi pluridisciplinaire régulier, sans oublier une bonne hygiène de vie (alimentation, activité physique). Pour les personnes migrantes en situation de précarité, trop d’obstacles se dressent dans l’accès au parcours de soin pour réunir toutes ces conditions et vivre le mieux possible avec la maladie.

Le professeur Olivier Bouchaud, l’un des pionniers de la médiation en santé en France, est à la fois président de l’association La Plage, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’Hôpital Avicenne (Bobigny) et responsable de la formation Médiation en santé à l’Université Sorbonne Paris Nord. Il raconte : “en tant que médecin, j’ai pu observer tout au long de ma carrière que des patients rompaient le parcours de soin pour des raisons variées et les conséquences sur leur santé sont catastrophiques. Je me suis rendu à l’évidence que la médiation en santé était un chaînon manquant en France. 

Avec La Plage, on aide les patients, on forme les soignants et on fait de la recherche. À La Maison Source, nous nous adressons à une population migrante, vivant avec le VIH, et qui rencontre de grosses difficultés socio-économiques. La médiation en santé, par le biais d’un accompagnement personnalisé, permet d’identifier la nature des obstacles à leur parcours de soin. Comme un diagnostic. Dans un deuxième temps, il s’agit de trouver les solutions pour contourner ces obstacles en faisant avec eux pour que, dans la mesure du possible, ils deviennent autonomes. Certains de ces patients sont tellement pris par les priorités du quotidien – où dormir, manger… – qu’il faut aller les chercher.”

“Je ne peux pas accompagner, informer, orienter, si je n’écoute pas d’abord”

Mamadou Timera, médiateur en santé de la Maison Source, détaille la nature de son rôle : “notre objectif est d’éviter les ruptures de soin et de rétablir le lien entre les professionnels de santé et les patients. Avant toute chose, on laisse le temps à la personne de s’exprimer. Je lui laisse toujours maîtriser le rythme de la conversation. C’est elle qui détermine comment le dialogue se déroule, avec ses mots. J’écoute, je répète, je reformule. Pour être sûr d’avoir bien compris. Ce temps là est essentiel car je ne peux pas accompagner, informer, orienter, si je n’écoute pas d’abord. C’est ce qui me permet, en tant que médiateur, d’être un pont entre la ville et l’hôpital.”

Concrètement, Mamadou Timera intervient ensuite, au cas par cas, pour accompagner la recherche d’un logement, aider à monter un dossier administratif, faire un CV, une lettre de motivation, préparer un entretien… “Parmi les problèmes récurrents que nous rencontrons, il y a la difficulté à trouver un médecin traitant alors que c’est primordial pour ces patients. Il y a aussi l’accès aux transports en commun : certains ne se rendent pas à leurs rendez-vous médicaux parce qu’ils n’ont tout simplement pas de titre de transport. Le manque d’accès à internet est aussi un frein pour les démarches administratives à l’heure de la dématérialisation des services publics… Nous avons deux ordinateurs à disposition et tous les vendredis je fais de la médiation numérique.” Les freins sont donc multi-factoriels et souvent ils se cumulent. Lorsque Mamadou Timera ne peut pas répondre seul, il a la capacité d’orienter vers d’autres partenaires associatifs.

La Maison Source propose une aide aux démarches administratives en ligne

“Quand on enlève la blouse, on aborde les choses différemment”  

Parallèlement à cet accompagnement au cas par cas, le médiateur et une coordinatrice organisent diverses activités : groupes de paroles sur des thématiques choisies avec les usagers, ateliers de cuisine et diététique, activités physiques, ateliers bien-être… Des sorties culturelles sont aussi proposées, ainsi que des “week-end santé”. Au-delà de la thématique, chacune de ces activités est une occasion pour les patients de s’exprimer librement, entre eux mais aussi avec des professionnels de santé, hors les murs de l’hôpital.

Tous les mois, nous avons des réunions de coordination avec toute l'équipe ETP, le médiateur en santé et la coordinatrice de La Plage, des médecins, une infirmière, une psychologue [...] En étant au contact les uns des autres, avec une équipe pluridisciplinaire, on enrichit nos pratiques respectives.

Chloé Bourovali Zade Infirmière au service d’infectiologie de l'hôpital Avicenne

Chloé Bourovali Zade est infirmière dans le service d’infectiologie de l’hôpital Avicenne et participe aux actions de la Maison Source. Elle coordonne le dispositif d’éducation thérapeutique du patient (ETP) à l’hôpital et intervient, de façon complémentaire, au sein de l’association : “Nous travaillons conjointement et en cohérence. Avec un accompagnement individuel à l’hôpital, et collectif à la Maison source. À l’hôpital, je coordonne tout l’ETP avec la mise sous traitement et des consultations diverses : qu’il s’agisse d’expliquer la maladie, y compris aux proches, d’accompagner des femmes qui voudraient tomber enceintes, de parler d’allaitement, etc. C’est très varié et l’ETP se fait au cas par cas pour aborder toutes les dimensions de la vie quotidienne, avec un but : améliorer la qualité de vie du patient. À la Maison source, je participe à l’animation des ateliers ou des sorties en groupe. C’est un contexte très différent qui change le rapport patient/soignant : quand on enlève la blouse, on aborde les choses différemment et les patients sont ensuite plus à l’aise avec nous également au sein de l’hôpital.”

  • La Maison Source donne accès à différentes ressources proposées par des partenaires comme AIDES ou Ikambere
  • L'association organise des "week-end santé" où les bénéficiaires peuvent se réunir et participer à des ateliers comme de l'éducation nutritionnelle (à gauche l'outil Nutricartes)
  • Lors des "week-end santé", les participants peuvent faire de l'activité physique adaptée ou encore des sorties comme ici une cueillette (à droite)

“Être sensibilisés aux réalités de la précarité permet aux soignants d’acquérir des réflexes.”

 

Les interactions entre l’équipe de l’association et les soignants sont elles aussi primordiales dans le processus de médiation en santé. Chloé Bourovali Zade explique : “tous les mois, nous avons des réunions de coordination avec toute l’équipe ETP, le médiateur en santé et la coordinatrice de La Plage, des médecins, une infirmière, une psychologue… Lors de ces réunions, nous échangeons sur l’organisation, la préparation des ateliers ou encore des journées d’actions de prévention… En étant au contact les uns des autres, avec une équipe pluridisciplinaire, on enrichit nos pratiques respectives. On identifie mieux les besoins d’accompagnement des patients. Concrètement, être sensibilisés aux réalités de la précarité permet aux soignants d’acquérir des réflexes. Un exemple simple : penser à vérifier auprès du patient qui doit suivre un traitement injectable à conserver au frais s’il a bien un frigo. Parfois il y a aussi des questions que nous n’osons pas poser parce que nous savons que nous n’aurons pas de solution. Le sentiment d’impuissance est difficile à gérer pour le soignant… Mais au contact des autres professionnels du projet de médiation en santé, plus on a la connaissance de ce que chacun fait, plus on sait vers qui on pourra orienter en fonction des problématiques soulevées avec le patient.”

In fine, le processus de médiation en santé doit permettre aux patients de mieux vivre avec la maladie, sans rupture de soins, de façon autonome. Un vrai défi, selon le professeur Bouchaud : “la grande difficulté est de savoir évaluer le moment où arrêter la médiation en santé pour ne pas tomber dans une situation paradoxale où l’on maintiendrait les personnes dans un état de dépendance. Il faut pour cela déterminer le moment où la personne est suffisamment autonome, mais ce n’est pas si simple. C’est un point de vigilance à la Maison Source. Nous essayons de trouver un équilibre avec les personnes devenues autonomes mais qui ont besoin de continuer à venir pour conserver un lien social indispensable pour avancer.”

Pourquoi nous soutenons ce projet ?

La Maison Source est un espace d’accueil et d’accompagnement des personnes vivant avec le VIH, situé hors des murs de l’hôpital Avicenne mais en interaction permanente  avec le service des maladies infectieuses de l’établissement. Il s’agit d’un dispositif complémentaire du suivi hospitalier, qui le prolonge pour s’assurer que les personnes accompagnées ont tout ce dont elles ont besoin pour prendre soin d’elles et observer leurs traitements. L’objectif est de les écouter et faire avec elles pour les autonomiser, fondement de la médiation en santé.

Cet espace d’accueil est représentatif de ce que la Fondation souhaite impulser : une médiation en santé dont l’utilité est comprise et intégrée par l’hôpital, exercée en étroite collaboration avec lui, pour un meilleur accès à la santé des populations vulnérables.

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