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Mille Parcours : une action conjointe avec l’hôpital, pour les femmes exilées victimes de violences sexuelles dans un contexte de parcours migratoire

L’association Mille Parcours agit en synergie avec le Dispositif Parcours, implanté dans les hôpitaux Avicenne (Bobigny) et Bichat (Paris) pour accompagner les femmes exilées ayant vécu des violences sexuelles dans leur pays d’origine, au cours du parcours migratoire et à l’arrivée en France. Maryline Berthaux, médiatrice en santé au sein du Dispositif Parcours à l’hôpital Bichat et lauréate du Prix de la Fondation MNH, et Bettina Ghnassia Petit, juriste et secrétaire de Mille Parcours, nous racontent comment l’action coordonnée de l’hôpital et de l’association permet un accompagnement global des patientes, en faveur de leur empowerment.

Comment est née l’association Mille Parcours et quelle est sa mission ?

Bettina Ghnassia Petit : Mille Parcours a été créée en 2017, initialement sous le nom « Combattre l’excision ». L’association est le fruit d’une réflexion conduite par Claire Tantet, médecin infectiologue, qui a également créé le Dispositif Parcours au sein des hôpitaux Avicenne et Bichat pour accompagner les femmes exilées ayant vécu des violences sexuelles, en situation de précarité, éloignées du soin et du droit.
Mille Parcours poursuit plusieurs missions pour soutenir l’empowerment des femmes exilées. Nous proposons des formations aux professionnels du secteur médical ou médico-social pour développer leurs connaissances des violences faites aux femmes exilées et leur savoir être. Il s’agit de mettre à disposition du matériel pédagogique et de travailler, notamment par le théâtre forum, leur posture d’accompagnement pour adapter au mieux la prise en soin.

Bettina Ghnassia Petit

Parallèlement, l’association soutient financièrement le Dispositif Parcours à Avicenne et Bichat en utilisant sa trésorerie propre, pour compléter l’offre de soins. Il s’agit par exemple de financer les ateliers thérapeutiques : psycho-socio esthétique, musicothérapie, natation… Pour favoriser l’autonomie et la participation sociale, les femmes peuvent également participer à un atelier hebdomadaire de vélo pour apprendre ou se mettre plus en confiance à vélo, savoir le réparer et s’approprier l’espace public. A l’issue de la formation, elles peuvent acquérir leur propre vélo.

Par ailleurs, Mille Parcours soutient la recherche sur la médiation en santé, grâce au travail d’une salariée, dont le poste est d’ailleurs financé par la Fondation MNH. Enfin, nous poursuivons une mission de plaidoyer pour porter nos aspirations pour les femmes exilées et leurs familles : le droit à un accueil digne, le droit à l’autonomie et le droit à la sérénité.

 

Pourquoi est-ce important d’avoir un dispositif global à la fois au sein et en dehors de l’hôpital ?

Maryline Berthaux : Dans le cadre du Dispositif Parcours, l’hôpital apporte des ressources humaines et des locaux. De son côté, l’association récolte des dons, répond à des appels à projets, organise des appels de fonds et gère ces ressources financières. Ce qui lui permet ensuite de remplir toutes les autres missions citées par Bettina et qui ne pourraient pas être prises en charge par l’hôpital public.

Elle nous permet aussi de trouver des solutions pratiques. Si je prends l’exemple de l’hôpital Bichat où j’exerce, l’association a ainsi permis de mettre en place un partenariat avec le Hasard Ludique, un centre culturel qui met à notre disposition une salle pour les ateliers qui génèrent du bruit, comme la musicothérapie, et que nous ne pourrions pas organiser dans l’établissement hospitalier.

Maryline Berthaux

Bettina Ghnassia Petit : Au sein de l’association, nous essayons d’avoir une vision qui sort d’un schéma dedans-dehors. Nous faisons partie d’un même ensemble, avec des vases communicants entre l’hôpital et l’extérieur. L’association vient au soutien de ce qui est mis en œuvre à l’hôpital, en apportant souplesse et réactivité, notamment en termes de financements. L’association favorise aussi le décloisonnement pour toucher des acteurs qui n’appartiennent pas au milieu hospitalier. Il y a par exemple des avocates qui travaillent avec nous et tiennent des permanences à Avicenne et bientôt à Bichat pour accompagner les femmes dans leurs démarches.

L’association est aussi un outil au service de nos actions. Nous avons par exemple fait une demande d’habilitation auprès de l’Ofpra – l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – pour accompagner les femmes en situation de particulière vulnérabilité dans leurs entretiens avec l’institution. Elle permet également de transformer les réalités des personnes accompagnées en messages politiques, que l’on partage sur nos propres réseaux de communication.

Nous pouvons également favoriser l’essaimage et faciliter la création de nouveaux dispositifs ailleurs sur le territoire.

Au sein de l’association, nous essayons d’avoir une vision qui sort d’un schéma dedans-dehors. Nous faisons partie d’un même ensemble, avec des vases communicants entre l’hôpital et l’extérieur. L’association vient au soutien de ce qui est mis en œuvre à l’hôpital, en apportant souplesse et réactivité [...] L’association favorise aussi le décloisonnement pour toucher des acteurs qui n’appartiennent pas au milieu hospitalier.

Bettina Ghnassia Petit juriste et secrétaire de Mille Parcours

Maryline, dans le cadre du Prix de la Fondation MNH qui vous a été décerné, vous avez décidé d’attribuer la dotation reçue à Mille Parcours. Pourquoi ce choix et comment cette dotation va-t-elle être utilisée ?

Maryline Berthaux : Le soutien de l’association au Dispositif Parcours est très important. Et si j’en suis arrivée là, en devenant médiatrice en santé, c’est grâce à Claire Tantet qui est à l’origine de ces projets d’accompagnement des femmes exilées qui ont vécu des violences sexuelles. C’était donc très important pour moi que ce prix bénéficie à Mille Parcours.

  • Un atelier de socio-esthétique organisé par l'association
  • Un atelier de lecture et de parole autour du parcours migratoire organisé par la compagnie La Liseuse ©MilenaLeMao72
  • Un atelier de lecture et de parole autour du parcours migratoire organisé par la compagnie La Liseuse ©MilenaLeMao72

Une partie de la dotation va permettre de développer la supervision d’équipe à l’hôpital Bichat, pour que l’équipe puisse déposer son “trop plein”, exprimer ses émotions, échanger sur son vécu… Cela a déjà démarré à l’hôpital Avicenne mais jusqu’ici les fonds manquaient pour le dupliquer à Bichat. Concrètement, une fois tous les deux ou trois mois, toute l’équipe du dispositif – médecin, assistante sociale, gynécologue, psychologue, médiatrice en santé… – va se retrouver, en dehors de l’hôpital, pour une demi-journée animée par une psychologue. Ensemble, nous pourrons déposer nos ressentis, nos inquiétudes, échanger sur les moments difficiles que l’on a pu vivre mais aussi sur les bonnes nouvelles… La charge émotionnelle est importante quand on accompagne ces femmes qui ont des parcours très difficiles et cela permet à l’équipe de se souder. Et puis, pour prendre soin des autres, il faut aussi prendre soin de soi-même.

Un atelier de socio-esthétique pour reprendre confiance en soi

La dotation va également permettre de continuer à financer les ateliers thérapeutiques à Bichat. Couplés aux suivis thérapeutiques, ces ateliers sont très importants. Grâce à cette combinaison, on constate une véritable amélioration de la prise en soin, de l’accompagnement à l’hôpital, et de l’autonomie des femmes.

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