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“Le travail des médiateurs en santé doit être mieux connu et valorisé auprès des professionnels de santé parce qu’il nous permet d’anticiper les difficultés” – Interview du Dr Nicolas Pellegrin

Le docteur Nicolas Pellegrin est médecin généraliste à Marseille. Il a participé au dispositif de médiation en santé CORHESAN, créé en 2020 par l’Hôpital Européen pour aller à la rencontre des habitants les plus vulnérables en répondant à leurs besoins d’information, d’orientation et d’accompagnement en santé. Nicolas Pellegrin témoigne de sa découverte de la médiation en santé avec CORHESAN au moment de la pandémie de Covid-19 et plus généralement de sa collaboration avec des médiatrices et médiateurs en santé.

Vous exercez à Marseille et avez participé au dispositif CORHESAN. Qu’est-ce qui vous a amené à vous impliquer dans ce projet ?

Je suis médecin généraliste depuis 2015. J’ai commencé par des remplacements à Marseille, dans des quartiers où vivent de nombreuses personnes précaires. J’ai ensuite travaillé comme collaborateur dans ces mêmes quartiers pendant cinq ou six ans. Depuis trois ans, j’exerce dans une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) située en face de l’Hôpital Européen. Nous accueillons beaucoup de primo-arrivants sur le territoire français et travaillons en relation étroite avec les services sociaux.

Mon lien avec CORHESAN est d’abord géographique, puisque nous travaillons dans le même secteur. J’ai commencé à collaborer avec l’équipe du dispositif pendant la crise du Covid-19 en accompagnant leurs tournées de vaccination. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le métier de médiateur en santé. Nous allions directement frapper à la porte des habitants. Les médiateurs m’ont aidé à briser la glace, à gérer les aspects matériels et relationnels, rendant ces visites très efficaces. J’ai été très impressionné notamment par l’engagement et le courage de jeunes médiatrices d’une vingtaine d’années qui faisaient du porte-à-porte dans des quartiers très difficiles, en pleine pandémie, pour promouvoir la vaccination malgré une forte méfiance de la population.

Cette collaboration a duré quelques mois, mais nous avons gardé un lien étroit. CORHESAN nous adresse régulièrement des patients qui ont besoin d’une prise en charge coordonnée. Notre Maison de santé est pluridisciplinaire, bien équipée et dimensionnée pour accueillir des cas complexes. Nous avons la chance de participer à des expérimentations et d’avoir des financements qui nous permettent d’avoir recours à l’interprétariat téléphonique professionnel, de salarier aussi une médiatrice, une assistante sociale, une psychologue, et d’avoir des secrétaires qui sont également formées pour être “accueillantes médiatrices”, leur mission allant au-delà du simple rôle de secrétariat médical.

Une médiatrice en santé de CORHESAN en maraude

Ce que j’ai pu constater depuis que je travaille en relation avec des médiatrices et médiateurs en santé – que ce soit avec CORHESAN ou au sein de notre MSP – c’est qu’ils facilitent cette communication, surmontent les obstacles (barrière de la langue, complexité du système) et permettent une meilleure adhésion des patients aux propositions de soins. C’est très important pour les patients mais aussi pour nous soignants.

Dr Nicolas Pellegrin, médecin généraliste à Marseille

D’après-vous, comment le travail des médiatrices et médiateurs en santé facilite-t-il la prise en charge des patients et le travail des soignants ?

Au-delà de mon travail à la MSP, je suis également maître de stage pour des étudiants en 5e et 10e année de médecine et je leur enseigne l’importance de la décision partagée entre patient et médecin, qui ne peut se concrétiser qu’avec une bonne communication et un bon relationnel. Ce que j’ai pu constater depuis que je travaille en relation avec des médiatrices et médiateurs en santé – que ce soit avec CORHESAN ou au sein de notre MSP – c’est qu’ils facilitent cette communication, surmontent les obstacles (barrière de la langue, complexité du système) et permettent une meilleure adhésion des patients aux propositions de soins.

C’est très important pour les patients mais aussi pour nous soignants. Par exemple, lorsqu’une médiatrice en santé s’assure que le patient a bien tous ses documents avant un rendez-vous médical, cela évite des consultations multiples et libère de la place. Ils contribuent aussi à réduire la fracture numérique, par exemple en aidant un patient à créer un dossier médical partagé (DMP), qui est une procédure complexe pour beaucoup.

Concernant plus spécifiquement l’équipe CORHESAN, elle collabore aussi activement avec les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, dont je fais partie, pour mener des actions de prévention et de promotion de la santé. Elle monte des stands dans des lieux de vie comme les places de marché ou les sorties d’école, afin de mener des opérations de dépistage et d’éducation à la santé. Les médiatrices et médiateurs de CORHESAN repèrent ainsi des besoins sur le terrain et orientent les familles vers nous. Nous pouvons ensuite les prendre en charge ou les réorienter vers un autre médecin traitant plus disponible ou plus proche de leur domicile.

Un stand de prévention cancers sur une place de Marseille

Qu’est-ce qui est important dans votre collaboration avec les médiatrices et médiateurs en santé ?

Ce qui est très important, c’est la proximité, le dialogue et les échanges réguliers entre nous. C’est un travail d’équipe. Les médiatrices et médiateurs, grâce au temps qu’ils peuvent consacrer aux patients, sont souvent les premiers à identifier des problèmes que les soignants n’avaient pas repérés ou qu’ils avaient pressentis mais sans pouvoir les mettre au jour. C’est par exemple particulièrement le cas pour les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales, un domaine dans lequel les généralistes isolés sont souvent démunis. Dans ma structure, sur cinq médecins généralistes, nous sommes quatre hommes. Nous sommes formés à dépister quasi systématiquement les violences intrafamiliales et conjugales, mais nous nous appuyons souvent sur la médiatrice.

Par exemple, une de nos médiatrices en santé a réussi à accompagner une patiente victime de violences graves. Sans son intervention, rien n’aurait pu être fait. Il s’agissait d’une patiente dont je suis médecin traitant, mais je suis aussi celui de son mari. Je savais qu’il y avait une relation conflictuelle entre eux, qu’elle se sentait mal, seule, mais elle ne voulait pas m’en dire plus. Je l’ai invitée à prendre rendez-vous avec notre médiatrice à laquelle j’ai expliqué la situation en parallèle. Celle-ci a réussi à instaurer une relation de confiance, à creuser l’étendue du problème et l’a accompagnée pour ses démarches. Ce travail de médiation en santé est un levier très puissant.

  • L'hôpital Européen de Marseille, à l'initiative du projet CORHESAN
  • La cérémonie des 150 ans de la Fondation Ambroise Paré - Hôpital Européen de Marseille en mai 2025
  • Les équipes de CORHESAN (à gauche) et une médiatrice en santé avec l'équipe de la Fondation MNH (à droite)

Que diriez-vous aux professionnels de santé qui ne connaissent pas, ou mal, la médiation en santé ?

D’abord, je pense que le travail des médiateurs en santé doit être mieux connu et valorisé auprès des professionnels de santé parce qu’il nous permet d’anticiper les difficultés.
Lorsque je pressens qu’un patient aura du mal à suivre son parcours de soins, que ce soit en raison de la barrière de la langue, d’un manque de compréhension ou autre, la première chose que je fais est de le diriger vers notre médiatrice. Je lui envoie un message expliquant le dossier et elle prend le relais pour s’assurer que le patient comprenne les enjeux de sa maladie et le système de santé. L’objectif n’est pas de prendre le patient par la main pour toujours, mais de l’aider jusqu’à ce qu’il puisse naviguer seul. Il est beaucoup plus simple pour les soignants d’anticiper les problèmes avec l’aide d’un médiateur que d’essayer de les résoudre une fois qu’ils se sont déjà manifestés.

Il faut bien comprendre que les professionnels de la médiation en santé ne voient pas les difficultés des patients comme un fardeau, mais comme faisant partie de leur mission, car ils sont formés pour cela. La médiation en santé est un maillon essentiel de la prise en charge des patients et son rôle est très important pour les soignants.

Pourquoi nous soutenons ce projet ?

Dans les arrondissements du centre et du nord de Marseille, un décès sur cinq (20,2 %) est prématuré (avant 65 ans) et près d’un décès sur dix pourrait être évité par une réduction des comportements à risque.

Le projet CORHESAN, déployé par la Fondation Ambroise Paré – Hôpital Européen de Marseille, adresse concrètement ces enjeux de santé publique en déployant un mode d’intervention de proximité impliquant des médiateurs en santé, des professionnels de santé et établissements de santé du territoire, mais aussi les habitants des quartiers ciblés.

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