Prise en charge des personnes exilées souffrant de psycho-traumatismes suite à la torture et aux violences subies dans leur pays d’origine
Idées clés
Domaine d'action
- La médiation en santé
Durée du soutien
2020 - 2023
Lieux
Paris 11ème
- 1 centre de soin
- 2137 consultations médicales, psychologiques et sociales réalisées en 2022
- 164 femmes bénéficiaires en 2022
- 1 rapport sur la situation des femmes exilées victimes de la violence politique
Les bénéficiaires
Les exilés qui arrivent France après avoir fui la guerre, la torture ou les persécutions dans leur pays d’origine sont particulièrement vulnérables. Les traumatismes qu’ils ont subis laissent des séquelles, à la fois physiques et psychologiques, qui nécessitent des soins auxquels ils ont difficilement accès ou qui, lorsqu’ils y accèdent, ne sont pas adaptés.
- Physiquement, les séquelles directement liées aux violences sont nombreuses : douleurs musculaires, dorsolombaires, gynécologiques, neurologiques, troubles digestifs, ORL, maladies infectieuses…
- Psychologiquement, la plupart souffrent de profonds traumatismes qui se révèlent à travers une grande variété de symptômes : troubles anxieux et/ou syndromes dépressifs, cauchemars, reviviscences, maux de tête, troubles de la mémoire et de la concentration….
Des violences vécues résultent également les sentiments de honte, de ne plus appartenir à la communauté humaine et la perte de la capacité à avoir confiance en l’autre. Craignant qu’on ne les croit pas, ces personnes sont enfermées dans le silence. Les liens sociaux sont alors rompus. Le lien de l’individu avec lui-même, avec son propre corps, est lui aussi altéré dans les mécanismes de défense psychologique qu’il développe. À la rupture du lien social s’ajoute donc souvent un “exil intérieur”.
À cela vient s’ajouter la précarité : les difficultés d’accès à un hébergement, le manque de ressources matérielles et financières, l’errance, la précarité administrative. S’additionnent encore la barrière de la langue, les procédures de demande d’asile semées d’obstacles, et la méfiance à l’égard des institutions. Tout ceci ne fait que renforcer leur isolement, leur vulnérabilité et les effets des traumatismes endurés.
Le projet
Le Centre Primo Levi a pour particularité de se consacrer exclusivement aux personnes victimes de la torture et de la violence politique, dont une grande partie est « isolée », sans famille en France. Il accompagne principalement des hommes et des femmes originaires d’Afrique sub-saharienne (République Démocratique du Congo, Guinée, Côte d’Ivoire en particulier) et d’Afghanistan. Si une majorité des patients sont des adultes, le centre prend également en charge des mineurs ou de jeunes adultes de moins de 25 ans.
Toutes ces personnes ont besoin d’un accompagnement pluridisciplinaire pour répondre aux multiples souffrances et problématiques qui le caractérisent. Or, leur prise en charge est faible car le système de santé n’est pas adapté à leurs besoins particuliers et les lieux spécialisés manquent. Des consultations pour migrants existent dans certaines structures publiques (notamment dans les Permanences d’Accès aux Soins de Santé, les PASS), mais aucune n’est dédiée aux personnes exilées souffrant de ce type de traumatismes.
Les lieux offrant gratuitement des soins psychologiques sont généralement saturés et les suivis trop espacés. Par ailleurs, le personnel médical, qui n’est souvent pas assez préparé et formé à la prise en charge de ces patients, se trouve dérouté par la nature et l’ampleur de leurs symptômes et est démuni face à la complexité de leur situation sociale et juridique. Enfin, le recours à des interprètes professionnels pour surmonter la barrière de la langue reste trop rare.
Pour aider ces personnes, le Centre Primo Levi propose donc une prise en charge globale structurée autour d’une équipe pluridisciplinaire et avec l’appui d’interprètes professionnels, offrant à chacun un accompagnement au cas par cas et une écoute attentive, respectueuse de la singularité de chacun grâce à un cadre de communication de qualité. Les patients et la relation sont placés au cœur de ce dispositif qui doit leur permettre de soulager leurs souffrances et les aider à renouer les liens, avec les autres et avec eux-mêmes, détruits par la violence.
Concrètement, l’action du Centre Primo Levi comprend quatre grands volets :
- le suivi psychologique au cours duquel le patient est accompagné pour « mettre des mots » sur ses souffrances, construire un récit qui lui permette de dépasser les symptômes physiques et de sortir petit à petit de l’omniprésence des événements traumatiques qu’il a vécu ;
- la prise en charge médicale portant sur les séquelles physiques directes et indirectes liées aux mauvais traitements ;
- l’intervention des assistants sociaux qui porte souvent de prime abord sur la mise en place ou le renouvellement d’une couverture médicale – véritable enjeu pour accéder aux soins et éviter les risques d’aggravation des pathologies – et répond parallèlement à des besoins fondamentaux tels qu’avoir un toit, des moyens de subsistance, des activités, reprendre confiance… ;
- l’accompagnement juridique qui couvre toutes les étapes de la procédure de demande d’asile, de l’élaboration du récit aux recours en cas de refus jusqu’à l’étude, avec le patient, de la possibilité de demander un autre statut protecteur selon son parcours et sa situation personnelle.
Ainsi, les différents intervenants – les personnes en charge de l’accueil au centre, les psychologues, les médecins, les assistantes sociales, le kinésithérapeute, la juriste – ont tous une fonction “soignante”, chacun étant considéré au même titre comme un clinicien (au sens étymologique du terme, “au chevet du patient”) dans la prise en charge globale de chaque patient. Chaque semaine, tous se réunissent d’ailleurs pour échanger leurs points de vue et penser ensemble l’accompagnement de chacun. Cet accompagnement repose, enfin, sur un important travail en réseau avec de nombreux professionnels extérieurs (de la santé, du social ou du juridique) qui contribue à tisser du lien autour des patients.
Dans l’optique de réparer ce que “la maladie” la plus inhumaine – celle infligée par l’homme – a produit, nous retranchons moult aspects de notre pratique habituelle de sorte à mettre la relation au centre de l’acte de soin, en déplaçant le curseur de la technicité vers le “prendre soin ».
La structure
Créé il y a 25 ans, le Centre Primo Levi est un centre de soins spécialisé de référence en France, et le plus ancien, ayant fait le choix de se consacrer exclusivement aux personnes victimes de la torture et de la violence politique. Un choix motivé par l’importance pour ces personnes dont les repères ont été bouleversés de trouver un espace institutionnel pour les accueillir et reconnaître leur souffrance. L’accueil y est inconditionnel, sans aucune discrimination ni distinction culturelle ou ethnique, liée à la confession, la condition sociale, l’opinion politique ou le statut administratif. Près de 400 personnes sont ainsi prises en charge chaque année par une équipe pluridisciplinaire. Le Centre s’est aussi donné pour missions de transmettre son expérience clinique et de témoigner de la violence politique et de ses effets. pour cela, elle forme, sensibilise et accompagne des professionnels en lien avec ce public afin de démultiplier son impact, et mène des actions de plaidoyer afin de défendre le droit d’asile et de promouvoir des soins adaptés aux victimes de torture.
Ce qui nous a convaincus
- Un accompagnement humain, basé sur l’écoute et le respect, qui permet de tisser des liens aux autres et à soi afin de restaurer la confiance et favoriser la reconstruction des patients exilés victimes de torture et de violence
- Une démarche unique de soins qui repose sur la pluridisciplinarité visant à offrir un accompagnement global – mais individualisé – prenant en compte les problématiques psychologiques, médicales, sociales et juridiques de chaque patient