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La médiation en santé pour lutter contre le VIH et les hépatites à Mayotte

Par Nariké M’sada

L’association Nariké M’sada lutte contre le VIH et les hépatites virales à Mayotte grâce à un projet combinant une unité mobile de dépistage et un dispositif d'accompagnement global.

Idées clés

Domaine d'action

  • La médiation en santé

Type de projet

Projet de terrain

Durée du soutien

2023-2024

Lieux

Département de Mayotte

  • 45 % des habitants de Mayotte de plus de 15 ans déclarent avoir dû renoncer à des soins en 2019
  • 96 personnes vivant avec le VIH soutenues et accompagnées en 2022
  • 1442 dépistages VIH, VHB, VHC réalisés en 2022

Les bénéficiaires

À Mayotte, département français représentant la plus forte densité de population après l’Île-de-France, les données de 2020 révèlent un nombre de découvertes de séropositivité au VIH élevé, comparable à celui de l’île-de-France (malgré l’effet du Covid19 qui a vraisemblablement réduit la prévention et le dépistage).

Sur l’île, la population dispose d’un unique laboratoire d’analyse sanguine et l’offre de dépistage est assurée par un seul Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CegiDD) basé à Mamoudzou. Les acteurs du territoire manquent de formation à la réduction des risques, les lieux ressources existants sont méconnus de la population, le réflexe du dépistage n’est pas acquis, la pauvreté et la précarité augmentent, et les difficultés de déplacement liées aux infrastructures routières accroissent les inégalités d’accès au système de prévention.

Le renoncement aux soins y est élevé, notamment pour des raisons financières, alors que la protection universelle maladie (PUMa) n’est pas applicable sur l’île, ni la complémentaire santé solidaire (ex-CMU-C), ni l’Aide Médicale d’Etat (AME). Enfin, la densité de médecins généralistes y est six fois plus faible que dans le reste de la France.

Corollaire de tout ceci : la situation sanitaire y est préoccupante, avec une offre de soins limitée, dans un contexte de fréquence élevée de certaines pathologies chroniques ou infectieuses et de couvertures vaccinales insuffisantes.

Parallèlement, aujourd’hui, les personnes séropositives qui bénéficient de traitements antirétroviraux (dits “ARV”) et d’un suivi médical régulier ne transmettent plus le VIH. Cette vérité scientifique est au fondement des objectifs “95-95-95” énoncés par ONUSIDA – le programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida – qui visent l’élimination de l’épidémie à l’échelle mondiale :

  • 95 % des personnes vivant avec le VIH doivent connaître leur statut sérologique ;
  • 95 % d’entre elles doivent recevoir un traitement ARV contre le VIH ;
  • 95 % d’entre elles doivent avoir une charge virale indétectable.

Le dépistage du VIH, constituant la voie d’accès aux traitements ARV, est essentiel pour atteindre la première cible des objectifs “95-95-95”, qui elle-même influe sur les deux autres. Dans le cas de Mayotte, le dépistage massif et l’accès aux soins sont des enjeux incontournables dans la lutte contre l’épidémie.

  • L’Unité mobile de dépistage se déplace 5 jours sur 7 sur le territoire
  • Le dispositif mobile permet aussi l’orientation vers le Centre hospitalier de Mayotte en cas de test positif

Le projet

Mayotte fait aujourd’hui partie du réseau de villes et collectivités « Fast Track Cities », créé suite à la Déclaration de Paris, initiative lancée en 2014 par l’ONUSIDA et l’International Association of Providers of AIDS Care (IAPAC). Les collectivités membres de ce réseau s’engagent à tout mettre en œuvre pour lutter contre le sida et atteindre d’ici 2030 les objectifs des 95-95-95. C’est à ce titre que l’association Nariké M’sada porte sur le territoire le projet « Mayotte, Département sans sida et hépatites ». Dans ce cadre, elle met aujourd’hui en œuvre une Unité mobile de dépistage et un dispositif de médiation en santé au profit des personnes vivant avec le VIH.

L’Unité mobile de dépistage est composée d’un agent de prévention et d’un salarié de l’association – tous deux formés au Test Rapide d’Orientation Diagnostique (TROD) – ainsi que d’un médiateur en santé. À bord d’un camion, ils se déplacent 5 jours sur 7 sur le territoire pour aller à la rencontre des personnes éloignées du système de prévention et de soin, où qu’elles se trouvent. Ce dispositif permet de créer un espace d’échange, où sont abordées les questions des prises de risque d’exposition au VIH, du dépistage, de la prise en charge médicale sur le territoire… Il permet aussi le dépistage et l’orientation vers le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) en cas de test positif, avec notamment la possibilité d’être accompagné physiquement par une personne de l’association.

Parallèlement, deux médiateurs en santé (en collaboration avec l’assistante de service social et les agents de prévention de l’association), contribuent à l’accès, au développement et au maintien des parcours de santé dit « complexes ». Leur but : éviter les ruptures dans le parcours de soin pour les personnes vivant avec le VIH. Ils sont présents lors des prises en charges individuelles et œuvrent pour la fluidification et l’adaptation des parcours de soin. Concrètement, ils interviennent lors des consultations médicales (hospitalières et de ville), des entretiens individuels avec l’assistante de service social si nécessaire, ainsi qu’au cours des médiations familiales. Ils assurent également une permanence hebdomadaire au sein du service d’infectiologie du CHM.

Véritables interfaces de proximité, les médiateurs en santé facilitent ainsi l’accès aux droits, à la prévention et aux soins, dans et hors les murs (grâce à l’unité mobile de dépistage). Ils participent aussi à la sensibilisation des acteurs du système de santé et créent les conditions favorables pour que les personnes accompagnées, les soignants et l’ensemble des parties prenantes puissent se comprendre.

A Mayotte, le fossé idéologique entre les soignants et les usagers du système de santé dû à la barrière de la langue et aux représentations de la maladie  – accentué par des facteurs de vulnérabilité psychologique, sociale et économique au sein de la population  – font qu’il est difficile d’ériger la santé au rang de priorité. Ce sont autant de facteurs qui nous ont conduit à développer notre offre en médiation en santé.

Moncef MOUHOUDHOIRE, Directeur de l’association Nariké M’sada 

La structure

Association de santé communautaire de lutte contre le sida, Nariké M’sada est née en 2003. Elle a pour ambition d’agir sur l’ensemble des facteurs qui entravent l’accès aux soins et à la prévention tels que les discriminations, la précarité sociale, financière et affective, les inégalités de santé et d’accès aux droits, les stigmatisations… Elle agit pour une meilleure santé sexuelle et reproductive de la population à Mayotte en se basant sur une approche globale de la santé.

Outre le dispositif : « Mayotte Département sans sida et hépatites », elle accompagne les personnes vivant avec le VIH, mène des actions de prévention en santé sexuelle auprès de la population générale et des jeunes, propose une ligne d’écoute anonyme et gratuite…

Ce qui nous a convaincus

  • Un projet essentiel dans un territoire particulièrement marqué par des freins d’accès à la santé, un renoncement aux soins et un manque structurel de prévention relative aux VIH et hépatites.
  • Des actions de médiation en santé visant à éviter les ruptures dans le parcours de soin, améliorer l’offre de dépistage ainsi que l’orientation de publics très vulnérables et peu pris en compte.
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